Marché depuis la fondation de Marrakech, accessoirement lieu d’exécutions publiques et enfin lieux de spectacles tous les jours dès le 17e siècle, la place Jemaa el Fna est un lieu unique au Maroc et dans le monde. En cours de réécriture.
La place Jemaa el-Fna (ou Jamaa el-Fna) se situe en plein coeur de la Médina (ou vieille ville) de Marrakech. C’est le lieu le plus animé et le plus magique de la ville à la nuit tombée.
Histoire de la place Jemaa el Fna à Marrakech
Le carrefour historique de Marrakech, positionné entre les collines des Jbilat au nord et le Haut-Atlas au sud, a joué un rôle clé dans les voies de circulation et les caravanes transsahariennes qui convergeaient vers la ville, se dirigeant ensuite vers les ports atlantiques et méditerranéens.
L’histoire du nom de cette place remonte à l’époque saadienne (1659-1549), lorsque El Mansour Dahbi commença la construction d’une grande mosquée qui devait être appelée Jamaa Al Hanaa (mosquée de la quiétude). Cependant, ce projet fut interrompu par une pandémie de peste qui frappa le pays, causant même la mort du roi lui-même. En raison de ces événements tragiques, la population locale baptisa la place « Jama el-Fna » (mosquée de l’anéantissement).
Au fil des dynasties, la place a évolué. Sous les almoravides (1060-1147) et les Almohades (1145-1248), elle était un lieu de rassemblement militaire transformé plus tard en jardins et lieu de rencontre pour les hauts responsables. Sous les Mérinides (1244-1465), la place fut délaissée. C’est seulement à la fin du XVIIe siècle, sous le règne de Moulay Abderrahmane, que les pourtours de la place ont commencé à être urbanisés, avec la construction de foundougs. La place elle-même a été réinvestie par les commerçants, devenant un marché aux grains (rahba) et un souk aux bêtes les vendredis. Lors des fêtes, des spectacles de fantasia et des jeux équestres y étaient organisés.
Au 17e siècle, la mosquée de la quiétude « Jemaâ el Hna » devait voir le jour sur la place. La peste décima une partie de la population, le sultan y compris. En conséquence, la place prendra le nom ténébreux de la mosquée anéantie : « Jemaâ el Fna ».
Depuis sa première mention en tant que lieu de divertissement au XVIle siècle, la place Jama el-Fna est devenue une scène en plein air, réunissant un éventail varié de patrimoine oral et immatériel. De cette configuration spatiale est née une nouvelle forme : « La halqa », désignant le cercle de spectateurs autour de l’artiste « hlaïqi », qui exprime son art à travers la morale, le conte, la musique, la danse ou le costume.
Selon Prosper Ricard, qui a décrit les activités de la place dans les années 40, les « halqas » qui relataient les exploits des héros de l’antiquité arabe et les histoires de la vie exemplaire du prophète Mohammed se déroulaient au pied de la Koutoubia. Pendant ce temps, sur l’esplanade, deux types d’activités se succédaient : le commerce le matin et les « halqas » qui occupaient tout l’espace l’après-midi.
Les halgas, ou espaces de rassemblement artistique, n’étaient pas exclusives à Jamaâ el-Fna, on les trouvait aussi à Meknès sur la place Lahdim, à Rabat près du souk Ighzel, ainsi qu’à Taza, Taroudant et Essaouira. Ces lieux étaient des pôles d’attraction pour les maîtres d’arts populaires, bien que certains aient disparu avec le temps.
Contes et épopées de la place Jamaâ el-Fna
Selon les écrits historiques, l’art de la « Halqa » au Maroc aurait émergé au XIXe siècle à Marrakech, précisément sur la place Jemaa el-Fnaa, avant de se répandre dans d’autres villes.
Il était particulièrement présent lors des marchés hebdomadaires attirant les habitants de divers quartiers de la ville.
La « Halqa » était animée par des spécialistes du conte, du mime et des acrobaties, offrant leurs performances dans les marchés et places des grandes villes comme Fès, Meknès, et bien sûr la place Jemaa el-Fnaa à Marrakech.
Cette tradition créait un mélange unique de comédie, de théâtre, de poésie, de chant et de danse, souvent inspiré des mythes et légendes amazighs et arabes, reflétant la diversité culturelle du Maroc. Parfois, le public même participait aux performances, incarnant ces récits ancestraux de la culture marocaine.
Les conteurs de la place Jamaâ el-Fna sont les gardiens d’un riche patrimoine d’histoires populaires et de légendes, puisant dans les cultures arabes, indiennes, persanes et les contes des mille et une nuits.
Ces récits, transmis de bouche à oreille de génération en génération, avant d’être consignés par écrit et vice versa, offrent un répertoire diversifié incluant l’épique, le merveilleux, le facétieux, et bien plus encore.
Parmi ces récits, on trouve par exemple Al Antariya, avec ses trente-deux tomes issus d’une tradition orale remontant à la période pré-islamique, ou encore Al Hillaliya et les célèbres récits épiques de Al Azaliyya.
La place Jamaâ el-Fna était également le théâtre où les Ashab Sira interprétaient la glorieuse histoire du prophète Mohammed, accompagnée d’iconographies. Ils retraçaient les différentes péripéties de l’histoire des Musulmans, enchainant ensuite avec les grands épisodes de l’histoire de l’Humanité.
Pour en savoir plus sur l’évolution, la disparition progressive et le possible renouveau de cet art : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/12/26/a-marrakech-les-conteurs-de-la-place-jemaa-el-fna-pousses-vers-la-sortie-par-le-tourisme-de-masse_6155713_3212.html
Patrimoine immatériel de l’UNESCO et musée
En 2003, l’UNESCO a reconnu la place Jemaa el-Fna comme un espace culturel et une forme d’expression artistique, considérée comme un chef-d’œuvre de la tradition orale. Parmi 32 dossiers examinés, 19 ont été sélectionnés, parmi lesquels celui de la place Jemaa el-Fna, la désignant comme un lieu emblématique de divers types de patrimoine immatériel. Bien que cet art ait connu des périodes de déclin, il a commencé à disparaître progressivement dans certaines villes marocaines. À l’exception de quelques espaces, la place Jemaa el-Fna à Marrakech, inscrite par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel en 2008, reste un foyer vital où se perpétue l’art de la « Halqa ». C’est là que les pionniers de cet art présentent de merveilleux récits du patrimoine oral local, accompagnés de mouvements acrobatiques exécutés par des jeunes hommes qui n’ont peut-être jamais fréquenté d’institut sportif, mais qui ont hérité d’un patrimoine gestuel traditionnel propre à certaines tribus.
Il se transmet de génération en génération de manière orale, se présentant souvent sous la forme d’une histoire, d’une énigme ou d’une fable, avec pour objectif de transmettre une leçon à la fin. Le conte traditionnel représente ainsi l’un des moyens les plus significatifs de transmission de la culture et des valeurs morales aux générations futures.
Il y a une variété de formes de théâtre populaire : le « Rma », le « Rehhala », le « Mejdoub », le « Baqsheesh », le « Lamsiyeh », les propriétaires de pigeons, de serpents, de singes et d’ânes, les « connaisseurs » des secrets de l’horoscope, les astrologues, les magiciens et les chanteurs… Chacun de ces types a sa propre manière de jouer, mais tous reposent sur l’utilisation d’éléments de la mémoire populaire.
Place Jemaa el Fna aujourdhui ?
Aujourd’hui, la place la plus populaire de Marrakech est bordée de cafés, restaurants et de bâtiments administratifs.
Si elle semble animée la journée, attendez d’y revenir dans la soirée et jusque tard dans la nuit.
Vous y découvrirez chaque jour de l’année un spectacle frénétique où les touristes se mêlent aux habitants et familles de Marrakech pour :
- Manger une grillade,
- Boire un jus d’orange pressé,
- Ecouter un concert, puis un autre, puis un dixième,
- Acheter des jouets aux camelots,
- Découvrir le magnétisme des mystiques,
- Se délecter de la dramaturgie des conteurs (de moins en moins nombreux malheureusement),
- Avoir un regard triste pour le dresseur de singe et fasciné pour le charmeur de serpents…
Comment apprécier la place Jemaa el-Fna ?
Quelques conseils pour apprécier la place mythique de Marrakech :
- Les rabatteurs pour les gargotes sont assez tendus et désagréables. Mangez ailleurs et évitez de traverser les étals pour plus de tranquillité.
- Prévoyez un peu de monnaie aussi pour récompenser les artistes que vous apprécierez particulièrement.
- Beaucoup de monde, une ambiance étourdissante, la nuit donc peut être la fatigue ou un peu d’ivresse (alcool ou haschich). Comme partout, faites attention à vos affaires et aux pickpockets.
- La vue depuis les terrasses est impressionnante. Les consommations sont plus chères mais le spectacle est inoubliable.
Carte de Marrakech : Lieux du guide touristique
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