Dans les années 1950, Tanger devient une référence centrale dans l’imaginaire littéraire de l’écrivain américain Paul Bowles. Après avoir quitté New York, il trouve dans la ville du détroit un alter ego méditerranéen : cosmopolite, interlope et insoumise. D’autres écrivains américains suivront.

Bowles, de New-York à Tanger
Bowles adopte Tanger non seulement comme lieu de résidence, mais aussi comme épicentre de son œuvre. Sa vision d’une Amérique désillusionnée par les ravages de la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide s’exprime dans une littérature du déplacement.
Son écriture, souvent qualifiée de road novel, délaisse les routes américaines pour les paysages marocains. Tanger devient pour lui à la fois le point de départ et d’arrivée d’un itinéraire existentiel et littéraire. Les cafés tangérois deviennent des lieux d’inspiration où circulent le thé à la menthe et le kif.
Il rencontre des auteurs autochtones comme Mohammed Mrabet, Larbi Layachi ou Mohamed Choukri, qu’il accompagne vers la reconnaissance internationale. Il s’installe ainsi au cœur d’un cénacle littéraire tangérois, improbable pour une ville en marge du Rif, souvent associée à la contrebande.
La relation de Bowles à la drogue est directe, intime, presque identitaire. Le kif devient le moteur de son imaginaire, au même titre que le laudanum pour les romantiques du XIXe siècle. En 1974, il propose même une recette de maâjoune (pâte sucrée contenant des fruits secs, du beurre de Marrakech à base de cannabis mais aussi de l’opium et des graines de datura) à un journaliste du magazine Rolling Stone.
Cette expérience sensorielle est à la fois personnelle et littéraire, et elle l’inscrit comme figure tutélaire de la Beat Generation.
La Beat Generation : un mouvement littéraire de rupture
La Beat Generation émerge aux États-Unis dans les années 1940 et s’affirme dans la décennie suivante comme un courant littéraire et culturel d’avant-garde. Elle est portée par un groupe de jeunes écrivains désillusionnés par le conformisme de l’après-guerre et animés par une quête existentielle et spirituelle. Le terme « Beat », que l’on peut traduire à la fois par « cassé », « épuisé » ou encore « béni » (beatitude), évoque un sentiment de marginalité et de révélation intérieure.
Le style d’écriture des auteurs beat se caractérise par une langue spontanée, rythmée, influencée par le jazz, les drogues, la spiritualité orientale et l’expérience directe du monde. La narration s’y fait souvent autobiographique, libre, parfois hallucinée, et rejette les formes littéraires classiques.
Parmi les œuvres emblématiques de ce mouvement, « On the Road » (Sur la route) de Jack Kerouac, publié en 1957, s’impose comme une référence. Écrit dans un style fluide et fiévreux, souvent qualifié de « spontaneous prose », le roman raconte les pérégrinations de Sal Paradise et Dean Moriarty à travers les États-Unis. Il incarne le refus des normes sociales, l’errance comme mode de vie, et la recherche d’un absolu dans le mouvement perpétuel.
William S. Burroughs, autre figure centrale du mouvement, explore quant à lui les territoires du subconscient et de la toxicomanie dans des récits comme « Naked Lunch » (Le Festin nu écrit à l’Hôtel Muniria de Tanger). Son écriture fragmentée et provocante traduit un profond rejet des institutions et une expérimentation formelle radicale.
La Beat Generation, en installant Tanger comme l’un de ses pôles spirituels, contribue à faire de la ville un carrefour littéraire mondial et un refuge pour les esprits libres du XXe siècle.
Auteurs de la Beat Generation : William S. Burroughs, Allen Ginsberg, Jack Kerouac…
Les liens entre Bowles et les auteurs beat se tissent à Tanger (Bowles et Burroughs se rencontrent sur la plage d’Achakar), bien que ces derniers ne l’aient pas rencontré auparavant. Ils partagent cependant des parcours similaires, marqués par la fuite des normes et la quête d’un ailleurs existentiel.
Tanger devient leur port d’attache. Des figures telles que William S. Burroughs, Allen Ginsberg, Jack Kerouac, Gore Vidal ou Truman Capote embarquent depuis New York sur un paquebot pour la ville blanche.
La ville offre une liberté morale et artistique rare. La loi marocaine ne s’applique pas aux Américains de passage. Ils y trouvent côté pile : mystères, non-conformisme, drogues. Tourisme sexuel, prostitution masculine et pédophilie pour le côté face, sulfureux et glauque. Malheureusement, rien d’inhabituel pour certains artistes occidentaux installés au Maroc à Tanger ou Marrakech.
Pour ces écrivains en rupture, Tanger est un refuge onirique, une ville « hors du temps ».
Avec l’avènement du tourisme de masse, les beats ouvrent la voie à une nouvelle génération de « hippies », explorateurs amateurs en Renault 4L ou 2CV, attirés par le kif et les rivages de Malabata ou Spartel. Les hippies cèdent enfin leur place aux excès de la jet-set.
Si Burroughs continue à fréquenter Tanger jusqu’aux années 1980 avant de préférer Paris, Bowles, lui, ne repartira plus, symbolisant le lien durable entre la ville et l’imaginaire littéraire américain.
La légende littéraire de Tanger, née de cette période effervescente, demeure un jalon essentiel de l’histoire culturelle du XXe siècle.
Sur les traces de Bowles et des écrivains de la Beat Generation à Tanger
Plusieurs lieux à visiter sur les traces de Bowles et des écrivains de la Beat Generation :
- La Légation américaine propose une exposition sur les écrivains américains associés à la ville. Adresse : 8 Rue d’Amerique.
- La Librairie des Colonnes dans le centre-ville de Tanger, plus ancienne et plus prestigieuse librairie de Tanger. Adresse : 54 Bd Pasteur.
- L’Hôtel Muniria And Tanger Inn était l’adresse fétiche des William S. Burroughs et autre Kerouac. Adresse : 1 Rue Magellan.
- La boutique Interzone dans le quartier de la Casbah propose de nombreux objets de collection : livre, disque, carte postale entre autres associés à la période de la Beat Generation. Adresse : 43 Rue Ahmed Ben Ajiba.
- Le Café de Paris, élégant et intemporel.
- La place du Petit Socco dans la Médina de Tanger où les terrasses de cafés se font face et où les artistes aimaient se retrouver.
- Le café Baba et le café Hafa avec vue sur le détroit.
- La plage d’Achakar entre la Grotte d’Hercule et le Cap Spartel.
Bande-annonce du film Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch Avec Tom Hiddleston, Tilda Swinton, Mia Wasikowska.
L’histoire de Only Lovers Left Alive : Dans les villes romantiques et désolées que sont Détroit et Tanger, Adam, un musicien underground, profondément déprimé par la tournure qu’ont prise les activités humaines, retrouve Eve, son amante, une femme endurante et énigmatique. Leur histoire d’amour dure depuis plusieurs siècles, mais leur idylle débauchée est bientôt perturbée par l’arrivée de la petite sœur d’Eve, aussi extravagante qu’incontrôlable. Ces deux êtres en marge, sages mais fragiles, peuvent-ils continuer à survivre dans un monde moderne qui s’effondre autour d’eux ?
Carte de Tanger : Lieux du guide touristique
Retrouvez tous les lieux du guide à visiter sur la carte de Tanger : Hébergements et hôtels selon votre budget, monuments incontournables, musées à ne pas rater et insolites, plages et jardins botaniques, bars et cafés originaux, souks et shopping vintage…
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