Ville portuaire au destin multiple, Gdańsk fut l’un des premiers théâtres de la Seconde Guerre mondiale et l’un des symboles de sa violence extrême. En 1945, à la fin du conflit, cette cité plurielle – jadis Danzig, indépendante puis allemande – était réduite à un champ de ruines. Pourtant, grâce à un gigantesque chantier de reconstruction orchestré par les autorités polonaises, elle est redevenue l’un des plus beaux centres historiques de l’Europe centrale. En cours d’écriture.

16 rue Chlebnicka à Gdansk en 1945 - Photo de Kazimierz Lelewicz - Licence CCBY-NC-4.0
16 rue Chlebnicka à Gdansk en 1945 – Photo de Kazimierz Lelewicz – Licence CCBY-NC-4.0

La destruction de Gdańsk fut totale, mais sa renaissance fut exemplaire. Par-delà les chiffres glaçants et les pertes irréparables, la ville incarne l’un des plus ambitieux projets de reconstruction patrimoniale du XXe siècle.

Entre fidélité historique, nécessité idéologique et réinvention esthétique, Gdańsk démontre que la culture urbaine peut renaître, même des cendres les plus profondes. Elle demeure aujourd’hui un laboratoire vivant de mémoire, une vitrine du patrimoine reconstruit, et un témoignage de la capacité humaine à recréer du sens là où tout semblait perdu.

C’est vrai pour Gdansk, pour la Vieille Ville de Varsovie (sur la reconstruction d’après guerre), pour Wroclaw ou Riga.

Gdańsk en 1939 : une ville au statut particulier

Une ville libre sous tension politique

Avant 1939, Gdańsk (alors « Danzig ») avait le statut de Ville libre (Freie Stadt Danzig), établi par le Traité de Versailles de 1919. La ville n’était ni intégrée à l’Allemagne ni à la Pologne, bien que fortement germanisée (environ 95 % des habitants se déclaraient allemands en 1933), avec une minorité polonaise active, notamment à travers les services postaux et les écoles.

Un port stratégique, enjeu de souveraineté

Avec ses installations portuaires modernes, ses chantiers navals et sa position sur la mer Baltique, Gdańsk représentait un atout stratégique majeur. Son rattachement à la Pologne ou à l’Allemagne faisait l’objet d’un contentieux récurrent, instrumentalisé par la propagande nazie dès les années 1930.

1er septembre 1939 : la guerre commence à Gdańsk

L’attaque de Westerplatte

C’est à Gdańsk, précisément à Westerplatte, qu’éclate officiellement la Seconde Guerre mondiale. Le 1er septembre 1939 à 4 h 45, le cuirassé allemand Schleswig-Holstein ouvre le feu sur la garnison polonaise stationnée dans la péninsule. Cette attaque, suivie de sept jours de résistance héroïque, marque le début de l’invasion de la Pologne.

Gdansk 1939, illustration par Ojuchz - Licence ccbysa 4.0
Gdansk 1939, illustration par Ojuchz – Licence ccbysa 4.0

Occupation allemande et nazification

La ville est rapidement annexée au Reich et soumise à une politique de germanisation brutale. Les élites polonaises, juives et cachoubes sont persécutées, déportées ou exécutées. Dès octobre 1939, les premières vagues de répression frappent des milliers de civils. La population juive, forte de près de 10 000 personnes en 1933, est progressivement éliminée ou envoyée vers les camps.

1945 : une destruction quasi-totale

L’offensive soviétique et la chute de la ville

C’est au cours des mois de février et mars 1945, à la faveur de l’avancée de l’Armée rouge, que Gdańsk est le théâtre d’intenses combats. Encerclée, bombardée, puis prise par les forces soviétiques le 28 mars 1945, la ville est livrée aux pillages, aux incendies et à la vengeance militaire.

Données chiffrées de la destruction

Les dégâts matériels subis par Gdańsk sont considérables. Voici quelques estimations issues des archives :

  • 90 % de la vieille ville (Główne Miasto) est détruite ou irréparable.
  • 70 % de la ville dans son ensemble est anéantie.
  • Plus de 560 monuments historiques ont été endommagés ou rasés.
  • Les archives municipales et bibliothèques perdent près de 80 % de leurs fonds documentaires.
  • La population passe de 250 000 habitants en 1939 à moins de 10 000 en avril 1945.

Les destructions sont dues à la fois aux bombardements, aux combats au sol et aux incendies déclenchés volontairement ou accidentellement.

Vue générale de Gdansk en 1945 - Photo de Kazimierz Lelewicz - Licence CCBY-NC-4.0
Vue générale de Gdansk en 1945 – Photo de Kazimierz Lelewicz – Licence CCBY-NC-4.0
Dans les ruines à Gdansk en 1945 - Photo de Kazimierz Lelewicz - Licence CCBY-NC-4.0
Dans les ruines à Gdansk en 1945 – Photo de Kazimierz Lelewicz – Licence CCBY-NC-4.0
Vieille ville de Gdansk en ruine en 1945 - Photo de Kazimierz Lelewicz - Licence CCBY-NC-4.0
Vieille ville de Gdansk en ruine en 1945 – Photo de Kazimierz Lelewicz – Licence CCBY-NC-4.0

Reconstruction : renaissance ou re-création ?

Décision politique : une reconstruction idéologique

Dès 1946, les nouvelles autorités polonaises socialistes font de la reconstruction de Gdańsk une priorité symbolique. L’objectif n’est pas uniquement de réparer les ruines, mais de réinscrire la ville dans la continuité historique polonaise, en effaçant les marques de l’urbanisme allemand wilhelminien.

Une restauration sélective et stylisée

Les choix esthétiques se portent sur une reconstruction inspirée du XVIe et XVIIe siècle, époque dorée du Gdańsk hanséatique. Les plans sont élaborés par des historiens, architectes et conservateurs du patrimoine : on ne reconstruit pas à l’identique, mais en interprétant les sources iconographiques anciennes (notamment les aquarelles de Buhse ou les gravures de Hogenberg).

Parmi les monuments reconstruits :

  • La fontaine de Neptune (reconstruite dès 1954),
  • La rue Długa et la porte dorée,
  • L’hôtel de ville principal (Ratusz Głównego Miasta),
  • La basilique Sainte-Marie (reconstruite jusqu’en 1955),
  • La grue médiévale (Żuraw), restaurée entre 1956 et 1961.
Danzig / Gdansk en ruine en 1945 - Photo de Gdansk.pl
Danzig / Gdansk en ruine en 1945 – Photo de Gdansk.pl
Vue aerienne du centre historique de Gdansk - Photo de Sebastian Huber
Vue aerienne du centre historique de Gdansk – Photo de Sebastian Huber
Long pont ou port de Gdansk en ruine en 1945 - Photo de Kazimierz Lelewicz - Licence CCBY-NC-4.0
Long pont ou port de Gdansk en ruine en 1945 – Photo de Kazimierz Lelewicz – Licence CCBY-NC-4.0
Motlawa et long pont à Gdansk. Photo de Scotch Mist - Licence ccbysa 4.0
Motlawa et long pont à Gdansk. Photo de Scotch Mist – Licence ccbysa 4.0
Eglise Sainte Catherine en ruine en 1945 - Photo de Kazimierz Lelewicz - Licence CCBY-NC-4.0
Eglise Sainte Catherine en ruine en 1945 – Photo de Kazimierz Lelewicz – Licence CCBY-NC-4.0
Eglise Sw Katarzyny à Gdansk - Photo de Hans-Peter Balfanz - Licence ccbysa 4.0
Eglise Sw Katarzyny à Gdansk – Photo de Hans-Peter Balfanz – Licence ccbysa 4.0
Rue Mariacka à Gdansk en 1945 - Photo de Kazimierz Lelewicz - Licence CCBY-NC-4.0
Rue Mariacka à Gdansk en 1945 – Photo de Kazimierz Lelewicz – Licence CCBY-NC-4.0
Porte Mariacka à Gdansk - photo d'Aneta Pawska - Licence ccbysa 4.0
Porte Mariacka à Gdansk – photo d’Aneta Pawska – Licence ccbysa 4.0

Chiffres et efforts humains

  • Plus de 10 000 ouvriers et artisans mobilisés entre 1946 et 1960.
  • Un effort budgétaire colossal, avec plus de 12 milliards de zlotys affectés au secteur du logement entre 1946 et 1965.
  • Près de 300 000 nouveaux habitants réinstallés à Gdańsk entre 1945 et 1960, issus de l’est de la Pologne ou des territoires annexés par l’URSS.

Création d’institutions culturelles

En parallèle de la reconstruction urbaine, les autorités créent ou relancent des institutions culturelles :

  • Le Musée maritime de Gdańsk (fondé en 1962),
  • Le Théâtre Wybrzeże (reconstruit dès 1951),
  • Le Musée national et les archives d’État, reconstitués à partir de 1948.

Mémoire, identité et patrimoine

La reconstruction de Gdańsk fut autant un acte architectural qu’un geste de mémoire collective. Elle symbolisait la résilience d’une nation meurtrie, la revanche sur l’effacement culturel, et la réaffirmation de l’identité polonaise dans une ville aux racines multiples. Si le centre historique de Gdańsk apparaît aujourd’hui harmonieux et médiéval, il reste une reconstruction du XXe siècle, fruit d’un immense travail documentaire, artistique et politique.

Powered by GetYourGuide

Carte de la Tricité : Gdansk, Sopot, Gdynia avec les lieux du guide touristique

Retrouvez tous les lieux du guide à visiter sur la carte de Gdansk (avec Oliwia, Sopot et Gdynia) : Hébergements et hôtels selon votre budget, monuments incontournables, musées à ne pas rater et insolites, plages et jardins botaniques, bars et cafés originaux, shopping vintage…

Bon plan ! Vous pouvez télécharger gratuitement la carte pour une utilisation hors connexion.

Où dormir à Gdansk (Sopot et Gdynia) en 2025 ? Sélections d’hébergements jolis, centraux ou pas chers

Pour séjourner à Gdansk et autour, voici nos suggestions d’hébergements en fonction de votre budget :

 

You are currently viewing 1939-1945 : Destruction de Dantzig et reconstruction de Gdansk
16 rue Chlebnicka à Gdansk en 1945 - Photo de Kazimierz Lelewicz - Licence CCBY-NC-4.0

Maciej

J'aime me perdre à la recherche d'endroits surprenants.
Rechercher sur ce site Type then hit enter to search