Gdynia, édifiée dans l’entre-deux-guerres sur les rivages de la Baltique, incarne l’utopie d’une Pologne tournée vers la mer, libre, moderne, résolument tournée vers l’avenir. C’est précisément cette ambition historique, esthétique et sociale que retrace le Muzeum Miasta Gdyni — le Musée de la Ville de Gdynia. Plus qu’un musée d’histoire locale, il s’agit d’un centre de recherche et de médiation sur la fabrique d’une ville moderne, portuaire et cosmopolite, née du XXe siècle et pleinement inscrite dans les débats culturels du XXIe.
Le Musée de Gdynia se trouve dans le quartier du front de mer de Gdynia, à proximité immédiate du Musée de la Marine (Muzeum Marynarki Wojennej) et de la plage municipale.
Une architecture au service de la narration urbaine
Inauguré en 2007 dans un bâtiment contemporain aux lignes épurées, conçu par l’architecte Danuta Kossakowska, le musée s’insère dans le quartier du front de mer de Gdynia. Son architecture minimaliste reflète les principes du modernisme fonctionnel qui ont façonné l’urbanisme de la ville dès les années 1920.
Les volumes sobres du musée — façades vitrées, béton apparent, courbes géométriques — prolongent le langage architectural du modernisme gdynien. Ce choix n’est pas seulement esthétique : il sert de support à une muséographie claire, rationnelle, accessible, conçue pour accompagner les visiteurs dans un récit à la fois chronologique et thématique.
Une ville racontée par ses habitants
Le Muzeum Miasta Gdyni s’articule autour d’une exposition permanente intitulée « Gdynia – dzieło otwarte » (Gdynia – une œuvre ouverte), qui retrace l’histoire de la ville depuis sa transformation d’un village de pêcheurs en un grand port national dans les années 1920. On y découvre des maquettes urbaines, photographies d’archives, affiches modernistes, objets du quotidien, témoignages oraux, et documents audiovisuels.
L’exposition met l’accent sur la vie des habitants — ingénieurs, dockers, artistes, familles déplacées après la guerre — en abordant les thématiques de l’architecture, de la migration, du commerce maritime et du développement social. Le récit n’est jamais figé : la scénographie évolue régulièrement, intégrant des œuvres contemporaines ou des recherches récentes sur la ville.
Une programmation contemporaine et critique
Outre ses expositions permanentes, le musée organise chaque année plusieurs expositions temporaires autour de la photographie documentaire, de la mémoire urbaine, du design polonais ou encore du graphisme moderniste. On y a vu des rétrospectives consacrées à des figures comme Zofia Rydet ou Władysław Strzemiński, mais aussi des projets participatifs autour de la mémoire des quartiers ou de l’écologie urbaine.
Le musée collabore régulièrement avec des artistes, sociologues, architectes et chercheurs pour offrir une lecture critique des transformations de Gdynia et de son rôle dans l’imaginaire polonais contemporain. Il s’impose ainsi comme un carrefour entre sciences sociales, urbanisme et création.
Alicja Wyszogrodzka : une figure majeure du design textile polonais
Alicja Wyszogrodzka (née en 1928) s’impose comme l’une des personnalités les plus originales et les plus influentes du design textile en Pologne durant la seconde moitié du XXᵉ siècle.
Son œuvre, élaborée entre les années 1950 et 1990, témoigne d’une étonnante vitalité visuelle : motifs géométriques, formes organiques monumentales, inspirations folkloriques ou minimalisme graphique s’y déploient dans une gamme chromatique toujours riche et saturée.
Ses créations, par leur modernité, dialoguent avec celles de Lucienne Day, Jacqueline Groag, Maija Isola (créatrice des emblématiques tissus Marimekko) ou encore les designers scandinaves d’IKEA – à tel point que Wyszogrodzka elle-même remarquait, non sans ironie, que ses textiles rappelaient ceux de la firme suédoise, mais conçus trois à quatre décennies plus tôt.
Formée à l’École supérieure des beaux-arts de Łódź, Wyszogrodzka débuta sa carrière à l’Institut du design industriel de Varsovie, puis au Bureau central du design pour l’industrie légère. Ses tissus, rapidement diffusés dans l’industrie, trouvèrent des applications multiples : vêtements, linge de maison, rideaux, nappes, serviettes, tapis modernes et même mouchoirs pour enfants décorés de motifs animaliers.
Ses dessins étaient utilisés quotidiennement par des milliers de foyers en Pologne et à l’étranger, notamment en Suède et en Allemagne de l’Ouest, où elle adapta ses créations aux attentes locales – motifs de boulangerie pour les linges de cuisine scandinaves, thématiques de Noël pour le marché allemand.
La créatrice privilégiait les formes épurées et synthétiques aux représentations naturalistes. Sa composition Ladder, inspirée des échafaudages des villes polonaises en reconstruction, illustre cette esthétique structurée et rythmique. De même, ses recherches autour de la prêle, plante à la géométrie graphique, ou encore de l’ornementation des œufs de Pâques polonais (Easter Eggs), montrent comment elle transposait folklore et nature en un langage plastique moderne.
Wyszogrodzka contribua aussi à la diffusion d’une culture visuelle internationale à travers ses collaborations avec la presse. Dans Moda, revue consacrée aux tendances vestimentaires, elle illustrait des silhouettes contemporaines, tandis que pour le mensuel Kontynenty (1964–1989), elle créait des interprétations graphiques de costumes traditionnels d’Inde, d’Égypte ou du Japon, parfois accompagnées de patrons permettant aux lectrices de réaliser elles-mêmes ces vêtements.
Une récente rétrospective, dans le cadre du cycle Polish Design, Polish Designers, a permis de mettre en lumière l’ampleur et l’originalité de son œuvre, rarement exposée jusqu’alors. Elle a souligné à la fois la dimension universelle de son langage visuel et la fonction profondément sociale de son travail : offrir des objets du quotidien à la fois fonctionnels, esthétiques et porteurs d’une joie de vivre communicative.
Par son approche, Alicja Wyszogrodzka a ouvert une réflexion toujours actuelle sur les frontières de l’inspiration, sur les échanges entre cultures visuelles et sur la place du design textile dans la constitution d’un patrimoine partagé, à l’intersection de l’art, de l’industrie et de la vie quotidienne.
Informations pratiques
Le Musée de Gdynia se trouve dans le quartier du front de mer de Gdynia, à proximité immédiate du Musée de la Marine (Muzeum Marynarki Wojennej) et de la plage municipale.
- Adresse : ul. Zawiszy Czarnego 1, 81-374 Gdynia, Pologne
- Accès : Situé à 10 minutes à pied de la gare principale de Gdynia (Gdynia Główna), près du port et de la mer.
- Horaires : Du mardi au dimanche, de 10h à 17h. Nocturne jusqu’à 20h le jeudi. Fermé le lundi.
- Prix des billets : Plein tarif : 10 PLN. Tarif réduit : 5 PLN. Entrée gratuite le jeudi.
- Site officiel : https://muzeumgdynia.pl
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