Le train vers la Laponie est une initiation au Nord. Au Grand Nord. Où chaque arrêt repousse un peu plus loin la civilisation, ses bruits, ses humeurs en même temps que ses routes et bâtiments. C’est d’abord un voyage hors du monde et aussi une démarche éthique et consciente : choisir la lenteur à rebours d’un monde en surchauffe.

Avant de songer aux aurores boréales, au silence des forêts ou aux lacs gelés, il faut s’équiper — car l’hiver arctique ne pardonne pas.
Equipements essentiels
Pour affronter les conditions extrêmes du Grand Nord, un équipement adapté est essentiel. Voici cinq objets incontournables à glisser dans son sac à dos avant toute expédition :
- Veste de ski technique : indispensable pour résister aux vents polaires et à l’humidité. Optez pour une membrane imperméable et respirante.
- Sous-vêtements thermiques : en laine mérinos ou fibres techniques, ils maintiennent la chaleur corporelle sans provoquer de transpiration excessive.
- Gourde isotherme : elle permet de garder l’eau à température et d’éviter la formation de glace.
- Lampe frontale à batterie longue durée : indispensable en hiver, lorsque la lumière du jour se fait rare.
- Trousse de premiers secours : avec pansements hydrofuges, couverture de survie et pastilles de purification d’eau.
Abisko et Kiruna : aux portes du cercle polaire
Depuis Stockholm, il faut compter environ 17 heures de train pour atteindre Abisko, à plus de 1 200 kilomètres au nord. Ce long voyage, assuré par le train de nuit Arctic Circle Express, traverse la Suède dans toute sa verticalité : on quitte peu à peu les plaines cultivées du centre pour les forêts de bouleaux nains du Norrland, puis les paysages austères de la toundra.
Le rythme du train épouse celui de la nature : la nuit boréale s’installe lentement, les silhouettes d’élans se devinent à la lisière des bois, et la neige gagne le sol par couches successives.
Arriver à Abisko, c’est pénétrer dans le Parc national du même nom, créé en 1909, l’un des plus anciens d’Europe. Ici, à 385 mètres d’altitude, la végétation subarctique s’accroche à un sol de schiste et de granite. L’hiver, les températures descendent sous les –20°C, mais la clarté du ciel, liée à un microclimat sec, en fait l’un des lieux les plus réputés au monde pour observer les aurores boréales.
Les naturalistes viennent y étudier la flore boréale — lichens, camarines, linaigrettes — et la migration des rennes semi-domestiques, encore élevés par les Sámi (longtemps appelé lapon avec mépris), peuple autochtone du Nord.
À une centaine de kilomètres, Kiruna prolonge l’expérience arctique. Fondée à la fin du XIXᵉ siècle autour de ses mines de fer, cette ville singulière est aujourd’hui en pleine relocalisation, son sol instable menaçant les quartiers historiques.
Sa cathédrale en bois, construite en 1912 dans le style national romantique, évoque les architectures de bateaux vikings. Autour, les vastes étendues de la toundra lapone rappellent que l’humain n’est ici qu’un invité passager.





Luleå : entre banquise et forêts boréales
Depuis Stockholm, un train de nuit de 14 heures mène à Luleå, cité portuaire du golfe de Botnie, au nord du 65ᵉ parallèle. C’est ici que la Baltique cesse d’être une mer libre : dès janvier, la surface se fige, transformant le littoral en une banquise praticable sur plusieurs kilomètres. Les habitants y tracent des sentiers pour la marche, le vélo ou le ski de fond, une tradition hivernale unique en Europe.
Le centre ancien de Luleå, Gammelstad, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, abrite une église médiévale en pierre et plus de 400 maisons de bois rouge. Ce modèle de “ville-église”, typique du nord de la Suède, servait autrefois de lieu de rassemblement dominical pour les populations dispersées.
Les alentours sont un paradis pour les botanistes : la taïga environnante compte plus de 30 espèces de mousses, des pins sylvestres centenaires et une flore arctique qui, malgré l’hiver, s’illumine en été d’anémones et de bleuets sauvages.
Luleå marque aussi la rencontre entre modernité et nature : le centre de données européen de Facebook, alimenté à 100 % par l’énergie hydroélectrique locale, y symbolise une forme d’écologie nordique technologique, ancrée dans la glace et le vent.



Le “Nordic Rail Loop” : traverser la Suède en continu
Pour les voyageurs désireux de s’immerger pleinement dans le Nord, la Suède offre un itinéraire ferroviaire exceptionnel, surnommé le “Nordic Rail Loop”.
Ce parcours relie Stockholm, Kiruna, Narvik (en Norvège), puis redescend vers Trondheim et Oslo, formant un grand cercle scandinave.
En suivant cette boucle, on traverse l’un des derniers espaces sauvages d’Europe : 5 000 kilomètres de voies ferrées serpentent entre fjords, lacs gelés et forêts boréales.
La ligne Malmbanan, reliant Kiruna à Narvik, franchit la frontière à travers les monts Skander, culminant à plus de 500 mètres d’altitude, là où les rivières gèlent dès octobre et où les bouleaux se tordent sous le poids du givre.
Ce trajet est aussi un voyage géologique : la région repose sur un ancien bouclier précambrien, vieux de plus de 2,5 milliards d’années, formé par l’érosion des montagnes primordiales. Le sol regorge de fer et de quartz, d’où la présence de nombreuses mines. C’est l’une des plus grandes réserves de terres rares d’Europe.
Le long du parcours, les observateurs attentifs peuvent reconnaître les moraines glaciaires et les vallées en U façonnées par les glaciers du dernier âge de glace, il y a environ 10 000 ans.
