Le cimetière espagnol de Tétouan est un lieu méconnu et peu visité. S’il ne brille pas par un art funéraire intéressant d’un point de vue artistique, le cimetière raconte plusieurs épisodes historiques douloureux et passionnant de la relation hispano-marocaine : la conquête du nord du Maroc en 1860, la colonisation espagnole, la guerre d’indépendance menée dans le Rif et enfin la guerre civile espagnole. En cours d’écriture.

Le cimetière espagnol de Tétouan : mémoire d’une présence et témoignage d’une histoire partagée
Lorsque les troupes espagnoles occupèrent Tétouan en 1860, à la suite de la guerre hispano-marocaine, elles érigèrent un premier cimetière chrétien au nord de la ville, sur les pentes du mont Dersa. Ce lieu, destiné aux soldats et civils espagnols établis dans la région, marquait la première empreinte funéraire d’Espagne au Maroc.
Lorsque l’Espagne revint à Tétouan en 1913, faisant de la ville la capitale du Protectorat espagnol, elle conserva ce cimetière tout en construisant, quelques mètres plus au sud, un nouveau cimetière militaire, plus vaste et mieux organisé.
Ce nouvel ensemble, de 2,5 hectares, fut divisé en deux sections distinctes :
- à gauche, le cimetière militaire ;
- à droite, le cimetière civil européen,
- séparés par une allée centrale.
À l’époque situé à l’écart de la ville, il est aujourd’hui entièrement encerclé par les habitations de Tétouan, mais les silhouettes des cyprès en trahissent encore la présence.
Après l’indépendance du Maroc en 1956, la plupart des Espagnols quittèrent la région. Les cimetières furent alors progressivement abandonnés, victimes de pillages et de dégradations. Les journaux espagnols des années 1990 évoquent des scènes bouleversantes : tombes éventrées, dalles brisées, restes humains mis à jour.
Face à cette situation, le général José María Valdés lança en 1994 un appel public, dénonçant l’état déplorable du cimetière où reposaient près de 20 000 Espagnols, principalement des militaires.
Sous la pression de l’opinion, le Sénat espagnol adopta en 1995 une résolution demandant au gouvernement de négocier avec les autorités marocaines pour assurer la préservation et la garde des cimetières espagnols du Maroc, estimés alors à 80 000 sépultures.
En 1998, le ministère de la Défense espagnol finança la restauration du cimetière militaire de Tétouan, regroupant les restes transférés d’autres nécropoles espagnoles (Rincón/M’diq, Castillejos, Chaouen). Plus de 2 500 inhumations y furent ainsi réunies.
Le cimetière militaire : un panthéon de la mémoire espagnole au Maroc
Le cimetière militaire de Tétouan incarne l’histoire des campagnes espagnoles au Maroc. On y lit sur les pierres tombales les noms des soldats tombés lors des combats contre les troupes d’El Raisuni, lors de la guerre du Rif et d’Abdelkrim El Khattabi, entre 1913 et 1926.
Certaines sépultures rappellent les grandes batailles du Biut, du Gorgues ou de Tazrut, relatées à l’époque dans la presse madrilène.
On y trouve aussi les tombes d’infirmières, de médecins, de religieuses de la Charité, de traducteurs arabes et berbères, ou encore de familles de militaires. Certaines pierres sont effacées par le temps ; d’autres, sculptées dans le marbre, témoignent d’un soin artistique remarquable.
Parmi les figures les plus illustres reposent le lieutenant-général Francisco Gómez Jordana (1852–1918), haut-commissaire du Protectorat et grand topographe, et le général Felipe Alfau Mendoza (†1937), premier gouverneur militaire de Tétouan.
On y trouve aussi le mausolée des aviateurs morts en service, dont celui du pilote José Luis Álvarez Villaverde, et des tombes d’enfants issus de familles nobles espagnoles, comme les jeunes Enrique et Fernando de Borbón.




Le cimetière civil : diversité et mémoire collective
À côté du cimetière militaire s’étend le cimetière civil européen, où reposent Espagnols, mais aussi Français, Italiens, Allemands, Mexicains et Britanniques ayant vécu à Tétouan.
Son aspect diffère : les tombes, souvent ornées de mosaïques colorées de la Cartuja de Séville ou de Manises, alternent avec des sépultures modestes ou partiellement restaurées.
On y trouve la tombe de Pelayo Quintero Atauri (1867–1946), archéologue, fondateur du musée archéologique de Tétouan, mais aussi celles de familles notables comme les Carrión, commerçants de café, et d’enfants victimes d’épidémies avant l’ère des antibiotiques.
Le cimetière abrite également une fosa común (fosse commune) dédiée aux républicains espagnols fusillés entre 1936 et 1940 dans le camp de concentration du Mogote, à la périphérie de Tétouan.
Une plaque commémorative installée en 2008 rappelle les noms de 51 des victimes exécutées le 20 août 1936, symbole d’une mémoire douloureuse longtemps silencieuse sur laquelle plane encore l’ombre de Franco.




Un patrimoine de mémoire et un enjeu moral
Aujourd’hui, malgré des restaurations ponctuelles (notamment celles menées par la Fondation Indortes en 2017–2018), les deux cimetières demeurent fragiles, confrontés au manque d’entretien et à la poussée végétale. Ces lieux incarnent pourtant un pan de l’histoire commune entre l’Espagne et le Maroc, un fragment de « terre espagnole en terre étrangère », chargé d’émotion et de symboles.
Ils rappellent à la fois les luttes, les drames et les espoirs d’une époque coloniale révolue, et interrogent la responsabilité morale de l’Espagne envers ses morts.
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