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Inauguré en 2013, le Centre d’Art Moderne de Tétouan constitue l’un des pôles culturels majeurs du nord du Maroc. Installé dans un ancien bâtiment de style hispano-mauresque datant du Protectorat espagnol, ce musée illustre la volonté de la ville de valoriser la création contemporaine avec plus ou moins de réussite. En cours d’écriture.

Musée d'art moderne de Tétouan face à une carrefour très fréquenté.
Centre d’art moderne de Tétouan face à une carrefour très fréquenté.

Le Centre d’art moderne de Tétouan se situe dans la ville moderne entre la gare routière et le plateau de la Médina de Tétouan et du quartier d’El Ensanche.

Si vous êtes amatrice ou amateur d’art moderne et que vous envisagez de passer à Tanger (à moins d’1 heure de Tétouan), ne ratez sous aucun prétexte une visite à la Villa Harris. C’est l’une des collections les plus intéressantes du Maroc.

Un symbole de coopération culturelle entre deux rives

Le Centre d’Art Moderne de Tétouan (CAMT) constitue aujourd’hui l’un des pôles majeurs de la vie artistique marocaine. Il incarne la coopération culturelle entre l’Espagne et le Maroc, et plus particulièrement entre l’Andalousie et le Nord du Royaume, deux territoires liés par une histoire commune et une continuité esthétique.

Installé dans l’ancienne gare ferroviaire de Tétouan — œuvre de l’architecte Julio Rodríguez Roda, inaugurée en 1918 —, le bâtiment illustre le style hispano-marocain du début du XXᵉ siècle. Sa réhabilitation en centre d’art témoigne d’une volonté de réconciliation patrimoniale, où l’architecture coloniale devient support de mémoire et d’échanges culturels.

À travers ses quatre salles d’exposition, le CAMT présente la production de la « École picturale de Tétouan », véritable matrice de l’art moderne marocain.

Ancien hall de la gare de Tétouan, aujourd'hui transformé en Musée d'art moderne de Tétouan.
Ancien hall de la gare de Tétouan, aujourd’hui transformé en Musée d’art moderne de Tétouan.
A l'intérieur du Musée d'art moderne de Tétouan.
A l’intérieur du Musée d’art moderne de Tétouan.
Salle d'expo du Musée d'art moderne de Tétouan.
Salle d’expo du Musée d’art moderne de Tétouan.

Mariano Bertuchi et la fondation de l’École des Beaux-Arts de Tétouan

L’histoire du CAMT est indissociable de celle du peintre Mariano Bertuchi (1884–1955), figure fondatrice de la modernité artistique au Maroc. Originaire de Grenade, Bertuchi découvre le Maroc dès 1898 et s’y installe définitivement en 1928, après avoir été nommé inspecteur des Beaux-Arts et des Métiers nationaux.

Son œuvre, abondante et sincère, se distingue de l’orientalisme romantique du XIXᵉ siècle : elle s’attache à représenter la vie quotidienne marocaine avec réalisme et respect, loin des clichés exotiques. Selon l’historien Capelástegui, Bertuchi « démystifie les narrations orientales romantiques » et restitue avec justesse « le vrai visage du Maroc populaire ».

Visionnaire, Bertuchi fonde en 1945 l’École préparatoire des Beaux-Arts de Tétouan, officialisée l’année suivante. L’établissement devient la première institution de formation artistique structurée au Maroc, un véritable laboratoire d’enseignement plastique où se croisent traditions locales et académisme européen. Parmi les premiers étudiants figure Mohamed Serghini, pionnier de la peinture moderne marocaine, envoyé à la Real Academia de San Fernando de Madrid grâce à une bourse octroyée par Bertuchi.

Toile "Tolba" du peintre Bertuchi au Musée d'art moderne de Tétouan.
Toile « Tolba » du peintre Bertuchi au Musée d’art moderne de Tétouan.
Ecole d'arts indigènes à Tétouan, première école des Beaux Arts du Maroc alors sous protectorat espagnol (cf le portait de Franco au mur). Photo du Musée d'art moderne de Tétouan.
Ecole d’arts indigènes à Tétouan, première école des Beaux Arts du Maroc alors sous protectorat espagnol (cf le portait de Franco au mur). Photo du Musée d’art moderne de Tétouan.
Tableau "zoco" signifiant souk par Carlos Gallegos au Musée d'art moderne de Tétouan.
Tableau « zoco » signifiant souk par Carlos Gallegos au Musée d’art moderne de Tétouan.
Tableau "Tintoreo" signifiant teinturier par Carlos Gallegos au Musée d'art moderne de Tétouan.
Tableau « Tintoreo » signifiant teinturier par Carlos Gallegos au Musée d’art moderne de Tétouan.

Naissance d’une école picturale marocaine

Sous la direction de Bertuchi, puis de Serghini, l’École de Tétouan développe une approche singulière : maîtrise technique, classicisme du trait et sens du détail deviennent les marques de fabrique d’une génération d’artistes. Ce style, bientôt désigné comme la « École de Tétouan », transcende les influences étrangères et s’impose comme un modèle régional.

Les peintres formés dans cette école — Freixas Vivo, María Jesús Dolores, Carlos Gallegos, Thami Kasri Dad, entre autres — jettent les bases d’une tradition picturale marocaine moderne. Leur héritage demeure perceptible dans la rigueur du dessin, la composition mesurée et le traitement presque spirituel de la lumière.

L’indépendance et la quête d’identité artistique

L’indépendance du Maroc en 1956 marque une étape décisive. En 1957, le roi Mohammed V inaugure la nouvelle École nationale des Beaux-Arts de Tétouan, confiée à Mohamed Serghini. La génération issue de cette période cherche à affirmer une identité plastique proprement marocaine, rompant avec l’académisme hérité du protectorat.

Ces artistes explorent la symbolique nationale, s’intéressent aux motifs de l’artisanat, à la calligraphie et à la géométrie islamique. Leur objectif n’est plus de reproduire, mais d’interpréter. Les années 1970 voient la structuration de cette recherche avec la création de l’Association Marocaine des Arts Plastiques (AMAP) en 1972. Ce cadre institutionnel favorise la diffusion internationale de l’art marocain et les échanges interarabes.

Salle d'expo du Musée d'art moderne de Tétouan.
Salle d’expo du Musée d’art moderne de Tétouan.

Modernisation et ouverture internationale

À partir de 1977, une nouvelle génération revient de séjours d’études en Espagne, Belgique et France. Leur regard, nourri d’avant-gardes européennes, introduit au Maroc des approches plus libres : abstraction, autonomie du geste et exploration de la couleur comme langage.

Cette effervescence se traduit par des initiatives audacieuses, dont l’Exposition du Printemps de 1979, organisée par Habiba Bouhoumou, Ahmed Amrani, Bouabid Bouzaid et Abdelkrim Ouazzani sur la place Feddan (aujourd’hui Mechouar).

Première exposition de plein air au Maroc, elle symbolise la démocratisation de l’art, en l’ouvrant à l’espace public et au regard des passants. Rééditée à plusieurs reprises dans les années 1980, elle scelle la rencontre de trois générations d’artistes unis par une même ambition : faire de la peinture un espace de réflexion et de liberté.

Expo temporaire : bande dessinée marocaine : entre ancrage local et reconnaissance internationale (2019-2025)

Depuis le tournant des années 2000, la bande dessinée marocaine s’impose comme un espace d’expression en pleine effervescence, oscillant entre introspection, engagement social et ouverture au monde.

Si l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan (INBA) demeure le principal foyer de formation et d’expérimentation graphique, de nouvelles générations d’auteurs confirment la vitalité de ce neuvième art.

Expo temporaire sur l'histoire de la Bande Dessinée marocaine au Musée d'art moderne de Tétouan.
Expo temporaire sur l’histoire de la Bande Dessinée marocaine au Musée d’art moderne de Tétouan.
Expo temporaire sur l'histoire de la Bande Dessinée marocaine au Musée d'art moderne de Tétouan.
Expo temporaire sur l’histoire de la Bande Dessinée marocaine au Musée d’art moderne de Tétouan.

Parmi eux, Oumaima El Gamraoui, diplômée de l’INBA en 2023, illustre cette dynamique. Son œuvre auto-éditée What the Sea Owes the Land explore les liens entre identité et espace, dans un style à la fois intuitif et poétique. Lauréate d’une résidence artistique en 2024, elle expose au Musée de la BD de Bruxelles en 2025. De son côté, Mina Koraichi, récompensée du Prix Raymond Leblanc pour Anti-Illiteracy Club, aborde la question de l’éducation et de la dignité à travers un récit humaniste et autobiographique.

L’héritage de pionnières comme Zainab Fasiki reste essentiel. Née à Fès en 1994, cette figure du féminisme artistique s’impose par des albums tels que L’Amour fait loi (2020) ou Yarbi nkoun kanhlem (2024), où le corps féminin devient un manifeste graphique de liberté. À la croisée du street art et de la BD, Machima poursuit quant à lui une exploration urbaine et sociale, prolongeant la veine contestataire du collectif Skefkef.

La scène marocaine s’est structurée autour d’initiatives collectives majeures. La Fondation Hiba, avec la résidence Khaliya (lancée en 2019), offre un cadre de création et d’échange pour les jeunes artistes. Chaque édition thématique — La Rue (2019), La Mort (2022), D’ici et d’ailleurs (2024) — témoigne de la diversité des écritures graphiques. Parallèlement, le collectif Alkhariqun, créé en 2021, agit comme un véritable studio de production, fédérant illustrateurs et scénaristes autour de projets de BD, d’animation et de design narratif, tout en valorisant la pluralité culturelle du Maroc.

Des autrices comme Myriam Dahman, avec Le Roi ensommeillé (2023), ou des auteurs confirmés tels qu’Abdel de BruxellesYoussef Daoudi et Aniss El Hamouri illustrent la diversité des approches, entre engagement social, introspection poétique et hybridation visuelle. Des figures fondatrices comme Abdelaziz Mouride — auteur de Dans les entrailles de mon pays (1982) — continuent d’inspirer les nouvelles générations par leur esprit critique et leur liberté de ton.

Entre 2021 et 2025, la bande dessinée marocaine s’internationalise : expositions à AngoulêmeManchester ou Bruxelles, partenariats éditoriaux (Alifbata, Le Lombard) et publications trilingues comme Les Balades de Noor(UNESCO, 2024) renforcent cette ouverture. Si les défis de diffusion et d’accessibilité demeurent, le Maroc s’affirme désormais comme un pôle créatif majeur du monde arabe, où la bande dessinée devient un véritable laboratoire d’idées, d’esthétiques et de liberté.

Expo temporaire sur l'histoire de la Bande Dessinée marocaine au Musée d'art moderne de Tétouan.
Extrait de la BD « L’assaut de Bou-Gafer » de Brahim Raïs à l’expo temporaire sur l’histoire de la Bande Dessinée marocaine au Musée d’art moderne de Tétouan.
Expo temporaire sur l'histoire de la Bande Dessinée marocaine au Musée d'art moderne de Tétouan.
Extrait de la BD « Tanger sous la pluie » d’Abdel de Bruxelles et Fabien Grolleau à l’expo temporaire sur l’histoire de la Bande Dessinée marocaine au Musée d’art moderne de Tétouan.
Expo temporaire sur l'histoire de la Bande Dessinée marocaine au Musée d'art moderne de Tétouan.
Extrait de la BD « Maroc fatal » de Jean-François Chanson dans l’expo temporaire sur l’histoire de la Bande Dessinée marocaine au Musée d’art moderne de Tétouan.

Informations pratiques

Le Centre d’art moderne (et contemporain) de Tétouan se situe dans la ville moderne entre la gare routière et le plateau de la Médina de Tétouan et du quartier d’El Ensanche.

Adresse : Av. Al Massira, Tétouan 93000, Maroc
Horaires : Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 14h et 15h à 18h.
Prix du billet : Entrée gratuite lors de mon passage en 2025.

Site officiel : https://www.facebook.com/CAMTetuan n’est mis à jour depuis plusieurs années…

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Maciej

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